En Pays Stéphanois, culture et barbelés

En Pays Stéphanois, culture et barbelés

Il est encore temps de sauver les bistrots !

par Mandon, dimanche 6 juin 2010, 18:06

Déjà, en 1974, un journaliste de l'Express m'avait interviewé sur le thème des cafés et la communication, thème développé dans ma thèse et "Les barbelés de la culture". Amusant, tant d'années après...

 

Article publié le 22.05.2010 04h00 - Le Progrès.fr


Loire
Les bistrots en voie de disparition : 2/3 des enseignes fermées en trente ans

Il est encore temps de sauver les cafés. Comme l'on peut encore sauver les dernières boulangeries, boucheries et épiceries de village. En osant tout simplement pousser la porte de ces estancots pour boire un verre / Claude Essertel

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Dans les campagnes comme dans les villes, les cafés ferment progressivement leurs portes. Il est encore temps de les sauver

On ne verra plus, un jour, ces vieux, attablés, en train de taper le carton sur une table en formica, un verre de rouge à portée de main. On ne verra plus ces jeunes, assis sur les tabourets au zinc, boire un demi, avant de partir faire une virée entre copains. L'interdiction de fumer dans les lieux publics, l'envolée des prix et le changement des mentalités auront eu raison de ces moments de vie où des hommes et des femmes prenaient encore le temps de vivre, d'échanger.

A force de tout sacrifier sur l'autel de la rentabilité et du temps, viendra un jour où toute forme de vie aura disparu en zone rurale. Et pour être tranquille, la vie à la campagne sera alors vraiment tranquille... Aujourd'hui, la Loire compte à peine plus de 2300 licences IV permettant de vendre tous types de boissons, dont 700 pour la seule ville de Saint-Etienne. En trente ans, le département a perdu les deux tiers de ses cafés.

Surtout, n'en parlez pas à Daniel Mandon, le maire de Saint-Genest-Malifaux. L'homme, puits de savoir, est intarissable sur le sujet. Il a consacré des pages et des pages de littérature aux cafés, lieux de sociabilité populaire. «Dans toutes les arrières-salles des bistrots, dans les campagnes, se réunissaient jadis les associations, les sociétés d'histoire, les partis politiques, les syndicats, les chansonniers, les écrivains... Durant des siècles, on a vécu avec les cafés, qui avaient aussi un rôle de compensation des graves frustrations liées à l'habitat, au travail», écrit Daniel Mandon, qui a toujours défendu la place du café dans la vie sociale, sans jamais occulter l'alcoolisme dans ces établissements jugés à une époque comme des lieux de perdition. Ce succès des cafés à la fin du XVIIIe siècle correspond aussi à l'apparition d'un nouveau public en ville, avec les clubs, les loges maçonniques, les sociétés littéraires. Des cafés qui ont aussi toujours été marqués par la spécialisation de la clientèle qu'ils accueillaient : les cafés des métallos dans Gier, les cafés des mineurs de l'Ondaine, ceux des armuriers à Saint-Etienne, des verriers dans le Forez... Mais les temps ont changé. Et là où il y avait dix ou vingt cafés il y a 30 ou 40 ans, il n'en reste souvent plus qu'un ou deux. Et parfois plus du tout. Au grand désespoir des maires ruraux qui cherchent par tous les moyens à rouvrir un bar pour redonner vie à leur village.

La réglementation draconienne, en matière de vente et de consommation d'alcool et de tabac, a donné le coup de semonce à ces établissements jadis «bruyants de vie et d'histoires à dormir debout, où des gens, éclopés de la vie, se requinquent à coups de canons de blanc ou de rouge, comme on dit à Saint-Etienne». Alors, il est encore temps de sauver les cafés. Comme l'on peut encore sauver les dernières boulangeries, boucheries et épiceries de village. En osant tout simplement pousser la porte de ces estancots pour boire un verre. En prenant le temps, tout simplement, d'écouter les propos de comptoir sans importance où se font et se refont des vies à l'infini.

Après la fête de la musique et la fête des voisins, qui aura un jour le courage d'inventer la fête des bistrots pour réhabiliter ces hauts lieux de vie populaire?

Frédéric Paillas
fpaillas@leprogres.fr



06/06/2010
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