En Pays Stéphanois, culture et barbelés

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Des lois et des mœurs : Trop c’est trop !

Des lois et des mœurs :

Trop c’est trop !

 

 

Les débats actuels - ou plutôt les combats - sur les institutions, les lois, les mœurs et les mentalités, méritent plus qu’un intérêt tactique au service de calculs politiciens. Ils révèlent le profond désarroi d’une société sans repères qui se blottit dans la sécurité de certitudes convenues et illusoires. Notre insatiable culture consumériste échappe difficilement à la séduction de sirènes aussi plantureuses que les surenchères qu’elles n’ont de cesse de provoquer.

Dans les débuts d’une nouvelle législature, l’euphorie, le désir, comme l’empressement de bien faire et de réaliser « tout et maintenant » animent nombre de nouveaux élus. Souvent, cela ne va pas sans provoquer d’inévitables démangeaisons. La bougeotte légale est bien connue : trop gratter cuit comme trop légiférer nuit ! Toute une génération héritière de mai 68 aurait du s’en souvenir pour être moins présomptueuse, car le changement c’est rarement maintenant !

Savoir que l’on ne peut tout régler par des lois, a fortiori dans une crise morale aussi grave, c’est faire preuve d’humilité et de patience. La jurisprudence qui fournit les matériaux de la législation est là pour nous rappeler que les codes s’élaborent avec le temps et l’expérience. On ne peut isoler le présent du passé, pas plus l’avenir que du présent. Les législateurs qui se prendraient pour des dieux condamneraient les juges à n’être plus des hommes ! Une nouveauté hardie ne se révèle hélas trop souvent qu’une erreur brillante ! C’est en ces termes qu’un magistrat, lors de la cérémonie de rentrée de la Cour de Cassation en octobre 1937, rappelait la vieille sagesse qui veut que les lois civiles s’écartent le moins possible des mœurs et des mentalités.

Il y a bien longtemps, en effet, qu’Horace chantait déjà, cette prudence, dans l’une de ses Odes, avec ce fameux vers toujours d’actualité et qu’avait repris Cicéron : « Quid leges sine moribus, vanae proficiunt... » A quoi servent les lois, en effet, si elles ignorent les mœurs : oeuvre vaine et sans lendemain, si le législateur promulgue des lois qui contrarient des convictions, des coutumes ou des traditions enracinées dans « les entrailles même du peuple. »

L’expérience de l’historien pourrait aussi témoigner de cette grande méfiance à l’endroit d’initiatives législatives intempestives ou confuses qui n’aboutissent parfois qu’à braquer ou faire reculer l’évolution des mentalités. Dans son célèbre ouvrage sur La Cité antique, l’historien Fustel de Coulanges rejoint le juriste : « S’il est quelque fois possible à l’homme de changer brusquement ses institutions, il ne peut changer son droit privé et ses lois qu’avec lenteur et par degré. C’est ce que prouve l’histoire du droit romain, comme celle du droit athénien. » Les lois civiles doivent donc le moins possible affronter violemment ou brusquer les usages en vigueur d’une manière de vivre qu’elles doivent pourtant diriger, modifier et parfois corriger, en quelque sorte, une saine application sur de telles réformes sociétales du fameux principe de précaution dorénavant inscrit dans notre constitution.

A ce prix, les institutions nouvelles gagneront, justification, permanence et stabilité. « Il appartient au législateur, a écrit Montesquieu, de suivre l’esprit de la nation. Car nous ne faisons rien de mieux que ce que nous faisons librement et suivant notre génie naturel. Il ne faut pas tout corriger.... » Sans un minimum de consensus, de respect d’un ordre naturel que notre monde du virtuel aurait tort de remiser dans les oubliettes de l’histoire, le législateur peut légiférer vainement, exercer son pouvoir sans autorité, vaincre sans convaincre.

Cette violence exercée à l’endroit du mariage au nom d’une prétendue égalité de droit pour tous les couples en restera une illustration notoire. Alors que le pouvoir appelle de tous ses vœux pour 2013 au rassemblement face aux périls intérieurs et extérieurs, peut-il, au risque d’une division, d’une excitation et d’une démoralisation du pays, bouleverser d’un trait de plume législatif le mariage et la filiation, changeant brutalement le sens de mots connotés depuis des siècles ?

Si par malheur, comme l’escomptent certains esprits partisans, l’agitation actuelle devait servir de rideau de fumée pour cacher les avatars d’une politique malheureuse ou trop improvisée, les avantages de cette tactique ne sauraient à la longue éviter le refus, voire la colère, d’un peuple ainsi abusé. Car la profonde évolution des mœurs qui concerne notre civilisation implique que l’on y réponde avec une autre mesure que celle d’une instrumentalisation politique, fut-elle démocratiquement labellisée.

Par contre, à l’instar des grandes lois, comme celle de 1901 ou de 1905, le débat, la négociation, l’application, la jurisprudence et la durée, devraient permettre, à cette condition, de transformer en bonne loi une aventure législative trop liée aux promesses électorales. Alors, l’émotionnel céderait le pas au rationnel pour diminuer les pressions éphémères d’une opinion trop formatée par des médias parisiens et des groupes activistes qui, à partir de situations particulières douloureusement vécues, exploitent facilement une émotion que l’on retrouve périodiquement dans ce genre de débat. Comme l’écrit Bruno Frappat : « les larmes et les lois ne sont pas du même ordre. »

A ceux qui prétendent ré-enchanter le monde, lutter contre l’obscurantisme ou jouer les pionniers d’un nouvel art de vivre soit-disant inspiré des Lumières, il faut dire que ce genre d’arguments relève d’une distinction éculée entre les enfants de Dieu et les canards sauvages : L’exercice libéral ou libertaire d’une Liberté qui achoppe sur une Egalité plus ou moins fantasmée, ne peut s’épanouir sans la Fraternité. Et il est bon de se rappeler que rien ne se fait de grand sans un minimum de consensus, de générosité, d’expérience et de temps.

Ce n’est pas être ringard ou réactionnaire que de dénoncer la facilité, les modes démagogiques ou les dérives du moment. C’est au contraire être avant-gardiste d’une société plus exigeante en humanité. Et pour l’anecdote, un exécutif dont le représentant suprême refuse le mariage dans sa vie privée peut difficilement convaincre des maires récalcitrants d’appliquer une loi déstructurant et dénaturant profondément l’institution du mariage.

Sur de grandes questions morales de société, comme la fin de vie, le mariage, la famille, la filiation, les manipulations génétiques, plus que jamais laissons le temps au temps, celui d’un vrai débat ! Puisse cette sagesse là, l’emporter sur la frénésie de changement, les calculs partisans ou les passions déchaînées.

 
Daniel MANDON, ce 13 janvier 2013



15/01/2013
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